Comment se constitue la personnalité d’un photographe ?
Quelles sont les images que nous décidons de mettre en avant et celles que l’on oublie ? Est-ce un oubli volontaire ? Comme un refus face à la difficulté d’apprendre à se connaitre ?
Plonger dans les images de mon inconscient photographique.
Celles qui habitent mes rêves, peuplent mon imaginaire, qui sont là, en latence, en profondeur. Celles mises de côté : les laisser remonter à la surface.
Une photographie sans sujet autre qu’elle-même, se laissant porter par les couleurs et la matière. Comme le rêve lui-même, dont les images qui nous restent au réveil ressemblent à des impressions, des sensations, enveloppées d’une matière cotonneuse.
Si peu de réalité sur laquelle s’accrocher, si peu de mots pour raconter.
L’absence de mots justes pour raconter ses rêves, l’échec quand on essaye d’en poser dessus, ce décalage, cet interstice, comme si les mots peinaient à raconter avec acuité ce dont on se souvient. Ils restent à côté, presque faux.
Ce qui nous reste n’est plus une histoire à raconter, mais le partage d’une intimité faite de bribes et de morcellements.
On voudrait tant que l’autre puisse s’immiscer dans notre cerveau pour voir ce qu’il s’y est passé, mais quelle vaine tentative de vouloir le décrire. La description s’approche trop de la trahison.
Alors restituer des images de songes, de rêves éveillés, faits pour certains il y a quelques semaines, d’autres plusieurs années.
Recréer ce silence de la chambre où l’on rêve et l’étendre à la terre entière.
Pour plonger dans ces mondes que l’on se crée, peuplés d’odeurs, de sons, de couleurs et de sensations.
Imaginer la photographie ainsi : comme le substrat des rêves.
Le non-sens, la répétition, le flou ; un chemin qui se brouille à mesure qu’on y avance. Les frontières n’existent plus, l’apesanteur non plus, un monde de pures sensations, que le cerveau tente d’appréhender, de comprendre. Notre faculté à percevoir les choses doit s’opérer sur un autre mode, trouver une autre façon de comprendre ce qui nous entoure. Embrasser les images dont la lisibilité se tord, accepter que l’histoire ne se raconte plus de façon rectiligne, telle la trajectoire d’une flèche, mais qu’elle est sinueuse, faite d’allers et retours.
What makes up a photographer's personality?
Which images do we choose to highlight and which do we forget? Is it a deliberate oversight? Like a refusal in the face of the difficulty of getting to know oneself.
Diving into the images of my photographic unconscious.
The ones that inhabit my dreams, that populate my imagination, that are there, latent, deep down. Let them rise to the surface.
A photograph with no subject other than itself, letting itself be carried along by colors and matter. Like the dream itself, the images that remain when we wake up resemble impressions, sensations, wrapped in a cottony material.
So little reality to hold on to, so few words to tell the tale.
The absence of the right words to tell our dreams, the failure when we try to put them into words, this gap, this interstice, as if words were struggling to tell with acuity what we remember. They remain on the sidelines, almost false.
What remains is no longer a story to tell, but the sharing of an intimacy made up of bits and pieces.
We'd so much like the other to be able to get inside our brains to see what happened, but it's a futile attempt to describe it. Description is too close to betrayal.
So let's recreate images from dreams, daydreams, some from a few weeks ago, others from several years ago.
To recreate the silence of the dream room and extend it to the whole world.
To plunge into the worlds we create for ourselves, populated by smells, sounds, colors and sensations.
Imagine photography like this: as the substratum of dreams.
Nonsense, repetition, vagueness; a path that becomes blurred as you go along. Boundaries no longer exist, nor is weightlessness, a world of pure sensations that the brain tries to apprehend and understand. Our ability to perceive things must operate in a different mode, finding a different way of understanding what surrounds us. We have to embrace images whose legibility has become distorted, and accept that the story is no longer told in a straight line, like the trajectory of an arrow, but is sinuous, made up of twists and turns.

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